Les carnets – Les totems de l’aube*

Les cahiers, un laboratoire de l’imaginaire et du savoir

Les carnets rassemblent dessins et traces, relevés du monde végétal réel ou rêvé, mis en face à face à des objets naturels ou rébus glanés au fil des marches. Chaque fragment recueilli devient empreinte sensible du territoire. Comme des talismans fragiles, ils incarnent l’esprit du lieu et en révèlent la mémoire discrète.

L’île de La Réunion, volcan dressé au milieu de l’océan Indien, est une page ouverte sur l’histoire géologique et biologique de la planète. Elle offre un terrain où s’entrelacent les temps – celui des roches et celui du monde vivant, en perpétuelle métamorphose.

La collection prend forme comme un carnet de voyage : elle documente les paysages parcourus, recueille les signes. Chaque dessin ou objet devient alors plus qu’une observation : une rencontre avec une présence, un dialogue silencieux avec le territoire.



Ces carnets se déploient comme un cabinet de curiosité du XXIe siècle: collectionner pour comprendre, mais aussi élan poétique qui fait passer de la connaissance à l’expérience sensible. 

Ainsi, les paysages de La Réunion ne sont pas seulement décrits, chaque fragment collecté devient une porte d’entrée vers l’invisible, une invitation à sentir la densité du monde, à éprouver la beauté fragile des choses et leur résonance intime avec ceux qui les contemplent.

Quelques carnets ont été présentés avec 3 photographies lors de l'exposition collective Les Totems de l'Aube*.
Une proposition de Patricia de Bollivier.

“L’île monde arrachée des forêts” - titre inspiré d’un poème de Boris Gamaleya

“Célestes coquillages en repli de montagne (au coeur du cirque de Mafate) ”



“Quand la nuit se meut” ( Mafate, Tête de chien)”

« je vous salue tapcals disséminées de l’arbre originel » ́ B. Gamaleya

"J’ai eu envie d’entendre les murmures et les fracas de l’île avant l'arrivée des hommes, avant les géants, ́«avant que ne s’ouvrent les fenêtres de montagne», «avant les dieux», et de mettre en écho ces polyphonies gamaleyennes avec quelques propositions d'artistes aux gestes tenus.
Le titre de l’exposition fait ref́erence ́ à Vali pour une reine morte de Boris Gamaleya : « Raharianne, tu n’es point l’armistice des capsules du vent ni mausolée pour les totems de l’aube ».

Observer, récolter, dessiner, graver, sculpter, écouter, sentir, résister, offrir, soigner les corps et les esprits, soigner la terre... L’exposition met en dialogue des propositions qui portent une attention fervente et poétique au lieu comme espace habitable. Elle deplie les endroits et les jardins, nous ́plonge dans la structure moléculaire des plantes, dissémine des colonies minuscules d’un « jet d’aile» de papillon, nous entraîne dans les mouvements structurels du vivant, soulevé la peau des montagnes à la recherche du cœur bleu de la roche mère et des reflets de la lumi ̀ ere dans le mica ̀ et l’olivine... Les nuages s’amoncellent, les brumes s’accrochent aux remparts et « le ciel vagabonde » pendant que bruissent sur les pentes la course ardente du magma vers l'océan, le ́craquement des scories, alors que la mer ressasse infiniment « une alliance profane où le vent prévisible se conjugue au ka ́ sanm inouï de l'ambrevade ». 

L’exposition se veut active et tente d’ouvrir « des failles entre nous et ce qui est plus grand que nous », en revisitant les mythes sacrés du barldon reliés ́ à la géoḿetrie du vivant, et en activant les gestes du soin par les tisanes, du don et de la réparation. Aux rumeurs sourdes qui emmuraillent ́et aux agitations guerrières du monde, opposer les murmures des remparts, le vent frais des ravines, « une tête de lune saupoudrée d'étoiles » ́ et quelques zerbaj à boire en tisane pour soutenir le corps et l’esprit.” 

Patricia de Bollivier